O. Meuwly: Troxler. Inventeur de la Suisse moderne

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Titel
Troxler. Inventeur de la Suisse moderne


Autor(en)
Meuwly, Olivier
Erschienen
Gollion 2021: Infolio
Anzahl Seiten
64 p.
von
Enzo Santacroce

Le livre d’Olivier Meuwly retraçant le parcours intellectuel d’Ignaz Paul Vital Troxler (1780-1866) est à l’image de la vie du penseur lucernois : haletant.

En effet, Troxler, philosophe libéral aux talents multiples s’exprimant dans des métiers divers comme celui de médecin et de pédagogue, a incarné, de par ses choix et ses prises de position politiques la difficulté et les contradictions inhérentes à la liberté, surtout lorsque celle-ci se heurte aux limites d’une époque dont l’esprit n’est pas encore prêt à entendre les revendications libérales exigeant la pratique de la liberté de conscience qui, par extension, débouche sur la capacité de déterminer soi-même le tracé de sa propre existence en dépit des inévitables difficultés et obstacles que prépare la volonté de prendre des risques.

À ce propos, on découvre dans l’ouvrage de l’historien vaudois les moments marquants de la vie du Lucernois où son caractère combatif s’illustre avec vigueur en critiquant ouvertement et publiquement via les journaux aussi bien les frilosités des autorités politiques lucernoises au sujet de la liberté de la presse que les mesures sanitaires imposées par son canton (épisode de l’épidémie de fièvre de l’hiver 1805-1806), ce qui le condamne soit à de courts séjours en prison, soit à des déplacements récurrents dans d’autres cantons où il trouve refuge : Aarau est à ce titre d’un grand secours pour Troxler. Bâle, aussi, lui ouvre les bras au tournant de la Régénération en 1830. Mais ses pensées, proches des positions de la Campagne qui sont jugées trop libérales par la Ville qui ne voit pas d’un bon œil l’introduction des mécanismes de la démocratie représentative et le privent d’un poste prestigieux à l’Université où son entrée fut toutefois triomphante.

Figure charismatique, Troxler possède une formation philosophique solide dans laquelle il puisera sa vision de l’homme et de la société et qu’il formulera dans plusieurs ouvrages. L’essai d’Olivier Meuwly rappelle à juste titre que l’inspiration de Troxler provient du philosophe allemand Friedrich W.J. von Schelling (1775-1854), contemporain du Lucernois. Plus précisément, le livre nous fournit quelques éclairages sur le romantisme qui est un courant dont le principe directeur s’articule autour de la recherche de l’unité sacrée de la Nature, perçue et conçue comme un grand Tout dont les parties seraient les végétaux, les animaux et les hommes. Ce qui anime Troxler, c’est donc bel et bien la recherche d’un équilibre entre la nature dont les lois se manifestent dans des cycles définis et la liberté qui, guidée par la raison, consent à l’homme d’ausculter l’unité, de la dire et de l’incarner dans ses projets et ses constructions. Le tour de force de Troxler, c’est d’avoir réussi, en politique, à considérer la Confédération, pourtant en pleine gestation, comme un Tout dont les parties seraient le Parlement et le Conseil des États. Cette invention du système bicaméral est d’inspiration romantique en ce sens que le Tout, soit le pays entier, ne pourrait fonctionner que si ses parties étaient correctement représentées et autonomes. Plus précisément, le Parlement, dont la fonction est celle de légiférer et de contrôler le pouvoir de l’exécutif, devient lui-même un danger pour le corps politique s’il n’est pas contrebalancé par une force, ou un organe qui tiendrait compte de toutes les sensibilités populaires et cantonales du pays, raison pour laquelle deux représentants sont proposés pour chaque canton, et ce quelles que soient sa taille, sa situation économique et géographique ou sa densité démographique.

Ce que le livre d’Olivier Meuwly nous enseigne, c’est qu’au-delà des tâches polyvalentes auxquelles Troxler se livre, un point commun les relie toutes : le médecin et le pédagogue qu’il est nourrissent son engagement politique, qui, porté par la philosophie de l’action, cherche à mettre en œuvre les théories libérales qui font de l’individu et de sa liberté d’entreprendre et de penser l’acteur de l’avenir qui, chez le Lucernois, se positionne non pas contre la nature, mais en phase avec celle-ci. Cette posture aux accents contre-révolutionnaires est plus que jamais d’actualité.

Zitierweise:
Santacroce, Enzo: Rezension zu: Meuwly, Olivier: Troxler. Inventeur de la Suisse moderne, Gollion 2021. Zuerst erschienen in: Revue historique vaudoise, tome 129, 2021, p. 206-207.

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Zuerst veröffentlicht in

Revue historique vaudoise, tome 129, 2021, p. 206-207.

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